UTMB 2011,
doucement tout le temps
L’UTMB :
L’utmb, pour ceux qui ne font pas parti de notre
étrange tribu c’est l’Utra Trail du Mont Blanc, 171km et 9700m de dénivelé
positif et 9700 de négatif (on n'en parle jamais de ceux là).
Ce n’est pas la course la plus dure du monde mais c’est LA plus grande
course de trail du monde.
Oui, je sais j’attaque fort mais je confirme :
- C’est la plus connue en France mais aussi à l’étranger.
- Le parcours est magnifique, il traverse 3 pays France, Italie, Suisse
et fait donc le tour d’un des sommets mythiques de l’alpinisme mondial.
- Départ et arrivée à Chamonix (il faut dire « Cham » sinon ça
fait plouc de province), capitale mondiale de la montagne et du 4x4 noir avec
les vitres teintées.
- C’est la course que tout ultra trailer veut faire, tellement de
candidats qu’il faut des points pour participer et en plus il y a un tirage au
sort.
- La moitié des partants sont des étrangers.
- Le plateau des favoris c’est simple, les meilleurs trailers du monde
sont là.
- L’organisation est ce qui se fait de mieux dans le monde du trail
(pour moi).
- C’est le championnat du monde officieux de l’ultra.
Il existe depuis peu un championnat du monde officiel (sur 80km) que
personne ne connait, même le vainqueur je ne le connais pas pourtant c’est un
Français.
- C’est surtout la course qui me fait rêver depuis que je fais du trail.
Préambule :
C’est difficile d’écrire un compte rendu mais je me plis à l’exercice
car j’adore lire ceux des autres. J’y trouve toujours quelque chose qui m’aide
dans ma pratique du trail. Je vais donc essayé de mettre dans ce récit un
maximum d’informations sur ce que je crois comprendre de ce sport. Si cela peut
servir à quelqu’un, tant mieux. Je ne prétends pas « savoir » ou
détenir les clefs de l’ultra, c’est juste ma vérité du moment. Dans l’ultra
trail , comme dans la vie, il n’y a rien de pire que les gens qui savent.
Préparation :
Pour l’entrainement « physique », le plan de Christian bien
sûr et la saison avec le PEC.
Mais comme disent les moches : il n’y a pas que le physique dans la
vie, en ultra non plus !
La préparation de ma saison est accès exclusivement sur la gestion de
course car, si j’ai réussi à passer la ligne d’arrivée de la diagonale des fous
à la Réunion, ma gestion de course à été équivalente au QI cumulé de l’équipe
de France de foot, à savoir proche du néant (ça c’est fait).
J’ai été nul en ce qui concerne la gestion de course dans son
ensemble : l’alimentation en course, le rythme, la gestion des
ravitaillements etc…
Surtout que je parle la des fondamentaux de ce sport et en sport quand
on ne respecte pas les fondamentaux on rentre à la maison plus tôt que les
autres.
J’ai fini la course grâce à Christian à qui j’ai confié les clefs du
camion en cours de route.
Mon but est donc de conduire le camion tout seul, maintenant que j’ai 40
piges je suis grand et je devrais y arriver.
J’ai fait un stage de reconnaissance pour mieux appréhender le parcours
et profiter des conseils d’un pro, Vincent Delebarre, ex vainqueur de l’épreuve.
J’ai aussi travaillé mon approche de la course, le stress qui va avec,
l’état d’esprit en course.
Pour des raisons personnelles, j’ai eu moins de temps pour m’entrainer ,
mais j’ai fait deux « blocs montagne » la reco du parcours et 3 jours
dans les Pyrénées avec le club.
Pour un ultra, je pense qu’il vaut mieux être prêt à 70% physiquement et
avoir une bonne gestion et un bon mental, que être à 100% physiquement et faire
les choses à l’envers.
Pour finir ma préparation, j’ai passé deux semaines en montagne en
famille, à faire de la randonnée légère et à me reposer la tête et les jambes,
Objectifs :
Finir !
Mon objectif numéro un c’est de bien gérer ma course, de bien faire les
choses et de finir.
Je suis parti sur la course avec aucun temps de passage sur moi, juste
les barrières horaires.
Pas de plan de marche pour faire 40h00 ou 38h00 ou je ne sais quoi, je
me suis détaché de tout ça et c’est très bien, écouter ce que dit mon corps et
avancer tranquillement.
Le chrono ? Franchement ce n’est pas l’objectif numéro 1, je sais
que si je fais les choses dans l’ordre le chrono viendra avec.
J’ai juste dans un coin de la tête le chrono d’Eric (39h59 le record du
PEC), au cas où tout se passe bien.
Tactique de course :
Sur un 10 km, il parait que la tactique de course c’est : partir à
fond et tenir.
Sur un ultra, je dirais que la tactique de course c’est : partir
tout doucement et tenir.
L’utmb est une course où, comme dans tous les ultras ….on marche plus
que l’on ne court.
Donc on devrait appeler ça une randonnée ou, parfois, on court. (ça case
le mythe hein ?),
Pauses comprises le vainqueur avance à 8km/h, pour un coureur de 10km ou
de marathon c’est une moyenne ridicule.
Personnellement, je l’ai fait à moins de 5km/h, ça fait réfléchir sur le
rythme à adopter non ?
Je pense qu’un bon randonneur rapide à plus de chances de terminer qu’un
gars qui court le 10 km en 30mn, si il sait faire les deux, il joue la gagne.
Mon plan de marche sur l’utmb :
- marcher partout ou ça monte, sans se mettre dans le rouge.
- courir partout ou c’est plat, sans se mettre dans le rouge.
- trottiner tout ce qui descend, en cherchant la souplesse.
- ne pas m’arrêter plus que nécessaire aux ravitaillements.
- ne pas s’occuper des autres ou du chrono.
- écouter mes sensations.
- faire toujours l’effort de se couvrir ou de se découvrir en fonction
de la météo.
- rester zen quoi qu’il arrive. (même si il neige ou si on nous rajoute
des kms…..impossible !)
- profiter !!
- arriver en bon état à Courmayeur(km 77), pas blessé, pas épuisé, avec
l’envie de continuer.
- courir entre Bertone et le pied du grand col Ferret (10km de
« plat »entre le 80éme et le 90éme).
- courir la descente du grand col Ferret (très longue, roulante et
située après le 100éme km).
Le jour J :
La météo sur le massif du mont blanc c’est : passage d’une grosse
dépression, pluie, vent, neige au-dessus de 2000 m, froid. Faudrait pas que ce
soit facile non plus….
L’organisation nous informe par texto que le départ est repoussé pour
laisser passer la dépression, au lieu de 18h30 ce sera 23h30.
A l’approche du départ, Chamonix est noyé sous des trombes d’eau. Tout
va bien…
Mon sac est prêt depuis des semaines (suis maniaque sur le matos) mais
au vu des conditions, je rajoute une grosse polaire , je prends mes guêtres.
Sylvie et les enfants me bricolent avec un sac poubelle une protection pour mon
sac à dos qui a parfaitement marché.
Je passe chercher Gégé et on gagne la place du triangle de l’amitié,
lieu de départ de l’utmb.
Grâce aux copains sur place, on est en bonne position sur la ligne. La
pression monte mais je me sens bien , détendu. Je fonctionne avec des
choses simples, déjà j’ai la chance d’être là et de le faire( certains ne
peuvent pas faire de sport). J’ai été tiré au sort (pensée pour Xavier, Thierry,
Stéphane), je ne suis pas blessé (grosse grosse pensée pour Maryse). Je vais
pouvoir jouer ma carte.
Ensuite, je me dis que je pars pour une rando course tranquille jusqu’à
Courmayeur, 70 km en montagne, je sais faire non ? Pourquoi flipper ?
Ma préparation mentale à l’air de marcher, j’ai beaucoup moins de stress
qu'à la diago.
Faut dire que la diago m’a amené beaucoup de confiance, je sais que je
peux passer deux nuits dehors en course, ça change tout dans la tête.
Avant de partir, l’organisation nous passe « la musique qui fout
les jetons », conquest of paradise (tout un programme…) de Vangelis. Pour
ne rien vous cacher, cette musique me collait des frissons, alors pour préparer
la course, j’ai téléchargé le morceau et l’ai écouté tous les jours jusqu'à ce
que ça ne me fasse plus rien.
C’est un détail ? Il n’y a pas de détail en ultra.
L’ ultra détail:
J’avoue, je suis un psychopathe sur le matos. Sans doute une façon de me
rassurer et de me préparer.
Le moindre détail peut devenir rapidement votre plus important problème
en ultra.
Donc, j’essaye d’avoir le meilleur matériel possible, adapté, testé,
mais pas de superflu non plus. Rien qui gène, rien qui frotte, tout rangé à sa
place à l’abris de la pluie.
Notre ami Gilles a cassé un lacet sur la course. C’est un détail le
dimanche matin à l’entrainement, pas quand on fait l’utmb. J’ai longtemps eu un
lacet de secours dans mon sac. J’ai maintenant du fil dentaire, c’est plus
léger, ça peut remplacer un lacet cassé et ça enlève aussi le saucisson entre
les dents.
Le matos, c’est bien de l’avoir mais il faut aussi s’en servir,
exemple :
Il fait froid, avec la fatigue on hésite parfois à mettre les gants qui
sont au fond du sac, car il faut s’arrêter, donc perdre des places, tout sortir
dans le sac, tout ranger, etc…
Du coup, on a froid aux mains, puis rapidement partout. Donc l’organisme
consomme de l’énergie pour maintenir la température du corps, parfois beaucoup
d’énergie mais on ne le sent pas….
Et dans la bosse suivante, plus de jus, plus de jambes. Du coup, on peut
abandonner « parce qu’on a pas de jambes »… Ou parce que on a pas mis
ses gants deux heures avant ?
Pour finir mon laïus sur l’ultra détail, une anecdote sur ma
course :
Je vous dis des trucs et je fais le contraire.Je suis parti sur l’utmb
avec un surpantalon que je n’avais jamais utilisé. Un surpantalon tout ce qu’il
y a de plus bête et inoffensif qui s’attache avec une fermeture ET un bouton.
Après avoir assouvi un besoin naturel dans la descente sur les Chapieux, j’ai
oublié de remettre le bouton. En descendant, la fermeture c’est ouverte, le
surpantalon est tombé d’un coup en bas des chevilles(façon DSK) et j’ai chuté.
Sans gravité la chute, dans l’herbe. 2mn avant c’était dans le vide, 2mn
après c’était sur les rochers.
La course :
Chamonix-Les Houches 8km 150m D+ :
Je suis surpris, ça part relativement doucement, par rapport à la
diagonale des fous. Il faut dire aussi qu'avec ce système de points pour
participer à l’utmb, il ne doit y avoir que des trailers expérimentés et donc
prudents, non ?…
Je marche dés la première micro bosse, je suis bien le seul, j’avais
prévu de marcher en côte !
Après 9km de plat, j’arrive avec Christian aux Houches, toujours sous
une pluie battante.
Les Houches-Saint Gervais 13km 840m D+ :
Après les Houches, c’est la première vraie bosse de la course, le col de
Forclaz. Dés le pied, je marche et je me laisse dépasser par le peloton. Je
m’étais préparé à ça, il faut l’anticiper. On est tous des compétiteurs et voir
tout le monde te doubler alors que tu peux suivre, ce n’est pas naturel.
Secrètement, je m’adresse à tous ces concurrents., Je sais que la moitié
d’entre eux abandonnera, l’autre moitié, je leur donne rendez vous demain, en
Italie, quand ils ne pourront plus courir, enfin si tout se passe bien….
Le peloton est encore dense, il pleut toujours abondamment. J’ai sorti
mes bâtons pour l’ascension, l’utmb est une course ou, selon moi, les
bâtons sont utiles car les montées sont
longues et régulières. D’habitude, je n’utilise jamais les bâtons en descente
mais là, je les garde en haut du col. La descente sur Saint Gervais est raide,
très glissante avec la pluie et j’arrive à tenir debout assez miraculeusement
grâce aux bâtons.
Je suis très content d’arriver à Saint Gervais en entier, sans blessure
et sans être tombé, vu les conditions. Je croise Gilles au ravito, qui a chuté
et qui ne me semble pas au mieux.
Pour ma course, j’ai décidé d’adopter un rythme peu soutenu, mais aussi de ne pas perdre de temps aux
ravitaillements. L’idée c’est d’être toujours en mouvement, doucement mais tout
le temps.
Les ravitaillements :
J’anticipe mes ravitaillements, la question à se poser est: qu’est ce
que je dois y faire ? Avant d’arriver, je me fais une chek list dans la
tête en fonction de mon état et de mes besoins. Je mange ça, je prends ça en
réserve, je fais le plein des bidons, je rajoute du produit énergétique, je me
change, je me soigne etc....
Cette méthode m’a permis de perdre un minimum de
temps, de rester concentré sur ma course, d’être efficace et précis sans rien
oublier. Je préfère manger en marchant après le ravito que de me refroidir
devant une table à me faire bousculer, pire me réchauffer prés d’un feu de camp
et ne plus vouloir repartir…Et puis, c’est fou le nombre de concurrent que l’on
double aux ravitos de cette manière.
Samedi 2h23 21 kilomètres
Temps de course : 2h55
Classement : 654
Saint Gervais-Les Contamines 10km 550m D+:
Entre Saint Gervais et les Contamines, le profil est assez « casses
pates ». Je me méfiais de cette portion ou on peut laisser des forces.
Finalement, cela c’est bien passé et assez vite. On doit beaucoup relancer et
courir (enfin trottiner). La bonne nouvelle, c’est l’arrêt de la pluie, la
dépression est passée ouf !
Samedi 4h00 31 kilomètre Temps de course : 4h33 Classement : 731
Les Contamines- La Balme 8km 570m D+ :
Après le ravito, où je fais juste le plein d’eau, il y a 4 km de plat ou
l’on peut courir tout le temps et c’est le passage devant la chapelle de notre
dame de la gorge. C’est le début de la haute montagne, le pied du col du
Bonhomme. Devant nous 10 km et 1300 de
D+ et des conditions météos… heu…..Hivernales !
Je monte tranquille, comme d’habitude j’ai mes problèmes d’intestins et
je dois faire deux poses techniques dans la montée. Mais l’organisation a pensé
à tout, on nous a distribué des petits sacs pour mettre le papier souillé, par
contre on a droit à trois fois pas plus….
Le ravito de la Balme et, son feu de camp géant se voit de loin dans la
nuit. j’y retrouve avec plaisir Michel
Eugène qui finira la course avec Christian. Il fait très froid, je me
sèche et me change entièrement, surpantalon, grosse polaire, gants
surgants. Quand je pense aux polémiques
sur le matériel obligatoire tout au long de l’année, vu la météo rencontrée sur
la course personne n’en parle plus….
Samedi 5h49 39
kilomètres
Temps de course :
6h20 Classement : 764
La Balme- Les Chapieux 11km 800m D+ :
J’arrive au col du Bonhomme et je marque un temps d’arrêt comme tous les
concurrents. Devant nous, des sommets colorés en rouge orangé par les premiers
rayons du soleil, le reste du tableau est une composition entre noir et blanc,
ombre et lumière, le tout sous un ciel entièrement bleu, c’est du grand
spectacle.
La montée se poursuit sans difficultés jusqu’au refuge de la croix du
bonhomme où je passe à 7h17.
La descente sur les Chapieux est rendue technique et glissante par la
pluie et la neige. Je suis prudent, je cherche à retrouver la souplesse, après
3h00 de monté, il faut réhabituer les muscles à l’effort particulier de la
descente. Je cherche à éviter les chocs, à être le plus fluide possible, à ne
pas me « casser les cuisses » comme on dit, je suis toujours en mode
économie.
Un hélico équipé d’une caméra nous filme, c’est l’utmb !
J’arrive aux Chapieux et je me demande si nos suiveurs seront là. Je les
cite tous car ils ont été énormes tout autour du mont blanc : cap’tain
Jacky, Véro, Dominique et Xavier.
Aux Chapieux, après une nuit dehors, la pluie, le froid, la neige, je me
réchauffe le corps avec un petit café et je me réchauffe le cœur et la tête
avec la présence des copains.
Au ravito, je croise Christian, qui part quand j’arrive(on réglera ça
plus tard….) et je retrouve Michel Eugène juste derrière moi.
Samedi 8h20 50
kilomètres
Temps de course :
8h34 Classement : 716
Les Chapieux-lac Combal 15km 1000m D+ :
Direction la ville des glaciers qui porte mal son nom car, il n’y a pas
de ville et il n’y a pas de glaciers non plus, c’est un concept…
A cet endroit, il y a 6 km de route, ce n’est pas forcément très beau,
surtout que le temps est couvert, au moins la route ça repose les chevilles, il
faut patienter et trouver un rythme.
Je quitte la route et commence l’ascension col de la Seigne qui est long
et haut 2516 m.
A partir de 2200 m la pluie fine laisse place à quelques flocons, puis
il neige vraiment. Le vent se mêle de la partie. Devant ma capuche, je vois
passer les flocons de neige à l’horizontale, tempête de neige au col de la
Seigne !
Là aussi l’organisation à tout prévu, des équipes sont montées de nuit
pour surbaliser le parcours, une balise fluo tout les 20 mètres, impossible de
se perdre, le top !
En haut du col, la célèbre tente « north face » jaune en forme
d’igloo est couchée par le vent. Pour la remplacer, l’organisation a acheminé par hélico un énorme cube en
plexiglas équipé de panneaux solaires, les bénévoles y trouvent refuge,
l’informatique aussi. Cela sert aussi de poste de secours pour les blessés car
avec ce temps les hélicos sont cloués au sol.
Je passe le contrôle en haut du col grâce à deux bénévoles habillés
façon expédition polaire. Je ne vois même pas leur yeux au fond de leur
capuche.
La frontière passe par le col. Je suis donc en Italie au mois d’août,
pour mois l’Italie à cette saison, c’est la Toscane, les champs d’olivier, un
verre de Quianti, des terrasses ensoleillées…. Dommage !
Je descends sur le lac Combal, toujours la même chose chercher la
souplesse, s’économiser. Depuis le milieu du col de la Seigne, j’ai de bonnes
sensations, je suis dans un bon rush. Il faut le gérer, ne pas s’emballer et le
faire durer le plus longtemps possible.
J’arrive au ravitaillement du lac Combal. Il neige encore un peu
pourtant, nous sommes à 1900m d’altitude, il fait froid. C’est un
ravitaillement Franco Italien. On y mange un délicieux jambon séché Italien et
un fromage local qui te laisse aucune chance d’approcher ta fiancée pendant 2
semaines.
Je trouve Christian avec qui je discute un peu et qui…. ? Téléphone
bien sur ! Je le laisse et continue d’avancer avec mon sandwich pain
jambon confectionné au ravito.
Samedi 10h56 65
kilomètres
Temps de course :
11h28 Classement : 621
Lac Combal-Courmayeur 12km 480m D+ :
Je suis toujours bien et je passe l’arrête du mont Favre sans
difficulté. Maintenant, ce sera descente jusqu'à Courmayeur, d’abord faut plat
en balcon jusqu’au col Checrouit. Je trouve un rythme et pour la première fois
je commence vraiment à être plus rapide que la course, je double des concurrents
pourtant je n’ai pas accéléré.
On traverse des pâturages, je me retrouve au milieu d’un troupeau et me
voilà à courir sur un sentier avec deux grosses vaches à coté de moi (je ne
donnerais pas les noms…), c’est très impressionnants. J’ai peur qu’il y ai
embrouille, je ne parle pas bien la vache Italienne, heureusement je les distance rapidement.
Plus je descends et plus il fait beau, enfin le soleil et la chaleur qui
va avec. Après la nuit et la matinée que l’on vient de passer ça fait vraiment
du bien. En fait en 12h00 de temps, nous sommes passés par les 4 saisons de
l’année.
Je zappe le ravito du col Chécrouit, pourtant très sympa, mes bidons
sont encore pleins et je sais que dans 40mn, je suis en bas dans la vallée, à
Courmayeur.
La descente sur Courmayeur est sans doute la plus technique de l’utmb
(enfin le parcours habituel…), là aussi je suis prudent. De toute façon, ça
bouchonne, je reste derrière et je patiente. Les mecs de devant ne laissent pas
passer, esprit trail où es tu ?
J’arrive dans Courmayeur, qui se trouve de l’autre coté du mont blanc
puisque c’est là où arrive le tunnel qui part de Chamonix. Je dois y retrouver
Sylvie et les enfants.
Sur mon plan de course, j’avais prévu de ne pas m’arrêter ici, mais avec
le départ différé je peux retrouver la famille donc je vais passer un peu de
temps avec eux.
Je cours encore en arrivant au ravito quand un bénévole me tend mon sac
d’assistance, top organisation ! (si même les Italiens sont organisés….).
Je retrouve ma petite famille avec plaisir et les suiveurs sont là
aussi.
Au programme, ravitaillement solide et lavage de pied, le trail c’est
pas comme à la maison, on peut faire les deux en même temps sans se laver les
mains, ça fait rêver les enfants !
Je reste 45mn à Courmayeur, c’est trop long ! Quand on est dans un
bon rush il faut le garder.
Samedi 13h20 78
kilomètres
Temps de course :
13h50 Classement : 534
Courmayeur-refuge Bertone 5km 810m D+ :
Quand je repars je sens de suite que ça ne va pas le faire, plus de
jambes, plus de tête, plus d’envie et plus « d’envie d’avoir envie »
comme disait le plus grand poète Français du 20éme siècle (non je
déconne !).
Faut dire le redémarrage est violent car il faut monter au refuge
Bertone, 800m de dénivelé en 4,5km les spécialistes apprécieront, ça monte
sévère !
Je me fais passer par pas mal de concurrents, j’avance à rien.
Pourtant, j’ai le sentiment d’être à
fond, je fais des poses, fatigue, petit moral, idée noires, du rush positif, je
suis passé au gros coup de moins bien, classique en ultra. Je le sais, c’est
des cycles, il faut les gérer mais quand on est dedans…
Surtout que dans mon plan de course, je dois courir à deux endroits
précis, entre Bertone et le grand col ferret et dans la descente du grand col
ferret, à ce moment là, ce n’est pas gagné du tout.
J’arrive péniblement au refuge Bertone, je suis vidé je ne sais pas quoi
faire. Manger ? Non dormir ? Pourquoi pas ! Je m’allonge à
l’ombre trop froid, au soleil trop chaud, pffff.
Bon il faut réagir, je me mets des coups pieds au c...et je me parle,
j’ai un plan non ? Alors on suit le plan et puis c’est tout. Alain, tu
prends ton sac, tu cours et si tu dois exploser, tu exploses mais en courant
pas en restant ici à rien faire.
Je vous livre un secret, en course, j’ai un gros dédoublement de
personnalité. Il y a le coureur Alain et le coach Alain. Le coach parle (mal)
au coureur et le coureur se fait beaucoup engueuler. Le coach essaye d’avoir du
recul et d’analyser ce que fait le coureur pour le conseiller au mieux, le coureur
lui est trop con pour réfléchir (c’est un coureur…). Parfois le coach est sympa
est félicite le coureur, l’encourage, globalement le coach est content du
coureur sur cet utmb, on a fait une bonne équipe (promis je consulte).
Samedi 15h44 82 kilomètres
Temps de course : 16h15 Classement : 556
Refuge Bertone – Arnuva
12km 220m D+ :
Je suis reparti, je cours, c’est dur, ça fait mal, je me force à
avancer. Sur cette partie roulante j’imaginais que si je courais je doublerais
pas mal de concurrents car on est quand même entre le 80éme et le 90éme km et à
2000m d’altitude, courir n’est pas facile. Mais je ne vois personne à doubler…
Puis, j’aperçois deux trailers, je reconnais les sac à dos, ils m’ont
passé dans la montée, je double. Puis deux autres, puis un groupe de 4, ça
revient, je suis dedans, c’est plus facile, je retrouve une certaine facilité à
la course (relative !), je double pas mal de monde. Je retrouve un bon
rush positif, la tête va bien les jambes aussi.
Sur ma gauche le mont blanc, les grandes Jorasses , les glaciers qui
descendent dans la vallée, je cours sur un sentier en balcon au milieu des près
et des fleurs, le val Ferret Italien est un endroit magique pour courir.
Il y a des moments comme ça en course, ou justement on est plus en
course, ou l’esprit et le corps ne font qu’un, les jambes tournent toutes
seules et on profite au maximum. Je pense que l’on peut connaitre ce sentiment
qu'en ultra, au carrefour de la fatigue et de l’émotion. J’ai sorti mon Ipod,
Mark Knopfler et sa Stratocaster : « Brothers in arms » 8mn54
que l’on devrait enlever de mon temps de course, j’étais pas là…
Un SMS de l’organisation me ramène sur terre : « Bovine
inaccessible cause intempéries. Parcours dévié par Martigny, parcours total
171km 9700m D+ ». Bien….5km de plus et du dénivelé supplémentaire. Comme
dit mon boucher : « Y en a un peu plus, je vous le mets quand
même ?? ». Quand on reçoit ce genre d’information en course il vaut
mieux être dans un rush positif sinon on jette le sac à dos et on rentre en
stop.
Je fais le job jusqu’au refuge Bonatti (grand alpiniste Italien), au
refuge je vais prendre un café car celui du ravito est dégueu(enfin un truc pas
bien dans l’organisation !). J’ai envie d’un vrai café. Attention, le café
Italien il faut le couper avec de l’eau sinon tu fais trois fois le tour du
mont blanc sans t’arrêter. Je dois être le seul coureur à être rentré dans le
refuge depuis ce matin, du coup le café c’est gratuit ! forza
Italia ! (oui je parle Italien aussi)
Direction Arnuva au pied du grand col Ferret qui sera la grande
difficulté de la journée, le sommet de la course et la frontière avec la
Suisse. Le point le plus haut pour nous mais aussi le point le plus bas entre
deux immenses vallées alpines, donc le passage obligé du vent. Et du vent y en
aura….
Ambiance étrange à Arnuva ou j’arrive à 18h00, beaucoup d’abandons ici.
Des visages marqués, des regards perdus et le bus pas loin qui peut te ramener
à Chamonix. Dans la tête d’un coureur fatigué la frontière entre l’abandon et
la poursuite de la course est parfois mince, à Arnuva je sens qu’elle est
infime pour certains.
Samedi 18h00 95
kilomètres
Temps de course :
18h30 Classement : 484
Arnuva-La fouly 14km 900m D+ :
Je ne m’attarde pas ici et reste dans mon rush positif, il commence à
faire frais, j’attaque le grand col Ferret, je me changerai plus haut quand le
soleil aura disparu.
Effectivement, il fait très froid à l’alpage au dessus d’Arnuva, je me
couvre pour la haute montagne et le vent est glacial. Je monte au train,
tranquille, je surveille mon altimètre qui me donne ma vitesse ascensionnelle,
entre 500 et 600m par heure., c’est bien.
Pour info, un randonneur monte à 300m/h, Kilian Jornet (le vainqueur)
entre 800 et 1200m/h.
Avant le sommet, il y a un faut plat et je me fais un petit plaisir, je
relance ! Je cours sur le toit de l’utmb (enfin je trottine), je m’étais
promis de marcher la première bosse et de courir au sommet du grand col ferret,
c’est fait !
Mais le plus important, c’était de monter à l’économie car l’objectif
est après le sommet, une descente de 10km ou il faut courir, si tu cours là tu
gagnes beaucoup de temps et de places. Je passe le sommet à 19h30, visibilité
quasi nulle, vent violent, brouillard. Mais il fait encore jour, la descente de
jour est un avantage, il faut gagner du temps sur la nuit, arriver en bas avant
l’obscurité (la vitesse moyenne chute la nuit).
Je descends bien, je cours doucement, beaucoup de coureur marche
maintenant même en descente, les cuisses tétanisées ils ne peuvent plus plier
les jambes. Sur cette longue descente une douleur au genou apparait, d’abord
diffuse et plus présente au fil des appuis, c’est long très long et les
articulations sont sollicitées et fragilisées par le froid.
J’arrive en bas à la nuit, je fais l’effort de sortir ma lampe avant la
petite bosse qui précède la Fouly(car maintenant tout devient effort).
Et là boum je saute dans la bosse ! La fatigue, le manque de
lucidité qui va avec. Mon plan de course s’arrêtait en bas de la descente alors
j’ai dû me déconcentrer et je coince dans cette bosse de m…. qui est nouvelle
sur l’utmb.
Plus de jus, mal au ventre, envie de dormir, du classique quoi !
Une autre course commence.
Ce qui est important c’est de rester positif et lucide, ce qui est
important c’est pas ce qui vient d’arriver mais ce qu’on va faire pour s’en
sortir, je m’étais préparé à ça.
D’abord ralentir l’allure, ensuite s’alimenter, j’appelle Sylvie pour le
réconfort et je prends la décision de dormir à la Fouly au prochain ravito. Je
vais dormir dans la voiture à Jacky, pas besoin de l’appeler il sera là, je le
sais.
J’arrive à la Fouly et je tombe sur Jacky :
-
Jacky je
veux dormir.
-
Ok tu
passes au ravito je t’attends après, je prépare tout.
Je reste 2 mn chrono au ravito, où ça sent vraiment
l’abandon (pour les autres…), je ne mange rien, je ne suis pas bien.
Jacky m’attend à la sortie, évidement la voiture
est là sur le parcours, évidement tout est prêt, c’est rien… Mais c’est énorme.
A l’arrière de la voiture, je suis à l’abri du
froid et du bruit mais je suis assis, le sang c’est accumulé en bas des jambes
qui me piquent, je ne trouve pas trop le sommeil mais je me repose et j’ai
chaud sous le duvet, 22h00 de course le corps s’arrête 20mn.
Comme dit la pub de l’espace Renault « et si
le vrai luxe c’était l’espace ? »….
Jacky me réveille et me dis d’y aller mollo pour
repartir le temps de se réchauffer, merci cap’tain Jacky!
Samedi 21h26 110 kilomètres
Temps de
course : 21h57
Classement : 417
Pour vous donner une idée des écarts sur ce type de
course :
J’étais encore dans la descente du grand col ferret
quand le premier, Killian Jornet, est arrivé à 20h36, j’ai 60km de retard sur
lui…. Et il m’a collé 15h00 au final. Il m’en avait collé 23 à la Réunion. Fais
attention Killian je reviens, fais attention…
La Fouly-Champex lac 14km 600m D+ :
Je marche, je trottine, finalement j’avance pas
plus vite que les autres mais pas moins vite non plus. Je tombe sur un petit
groupe de coureurs, ça discute, c’est le bon moment pour faire la conversation
et se changer les idées. Des gars sympas, deux ex finishers de la grande boucle
et un bleu comme moi, je suis le seul à avoir dormi.
Je pars devant avec l’autre bleu et on tient un bon
rythme, on tombe sur 3 concurrents qui titubent devant nous, on est samedi soir
une soirée trop arrosée ? Non, on est en Suisse !
Ce sont des Japonais qui s’endorment en marchant.
Faisant étalage de ma parfaite maitrise de la langue anglaise je tente
un : « ok ? » à la hauteur du dernier, le gars se
réveille en sursaut et manque de tomber !
Il y a 240 Japonais sur la course, ces gars là ne
lâchent jamais rien et vont au bout d’eux même, on sent que c’est culturel chez
eux, tu avances ou tu crèves. Banzaï !! (oui je parle Japonais aussi…)
Avec mon nouvel ami on attaque la montée sur
Champex que je sais longue, 6km pour 460m de D+, je prends la tête d’un groupe
et je monte vraiment doucement. Je demande si quelqu’un veut passer devant,
c’est non… 23h00 à ma montre tout le monde est mort après 24h00 de course et
120km, il en reste 50 et on est dans la deuxième nuit.
La deuxième nuit en ultra c’est un peu « sauve
qui peut », c’est dur et ça se passe aussi
et surtout dans « la tronche » comme dit Didier, c’est là que
le mental fait la différence.
D’ailleurs on dit souvent que le mental est aussi
important que le physique en ultra et on se prépare toute l’année à
…Courir !
Mais pour le mental on fait quoi ?
Je n’entends jamais parler de ça, n’y au club, n’y
sur les forums, n’y en discutant avec d’autres coureurs d’ultra.
Le mental :
Je ne suis pas né guerrier comme John Rambo ou…Pascal Duchesne (j’adore
la comparaison !), alors je me suis préparé mentalement.
Il existe des techniques très connues et basiques que l’on a abordé
pendant la reco avec Vincent Delebarre et que l’on trouve sur internet.
Des choses simples (on est des
sportifs quand même…), qu’il faut préparer à l’avance et sortir dans les
moments difficiles.
Le truc de base c’est travailler
sur l’émotion, trouver des images, des situations positives qui vous relancent.
Ce qui est important ce n’est pas juste l’image, mais de retrouver au fond de
vous l’émotion qui va avec et qui va prendre la place de votre mal être du
moment.
C’est très perso et ça se travaille, le grand classique c’est de se voir
franchir la ligne d’arrivée, combien de fois dans cette deuxième nuit je me
suis vu franchir la ligne de l’utmb avec mes enfants dans chaque main ?
Combien de fois je me suis revu franchir la ligne de la diagonale des
fous ?
Mais ça peut être n’importe quoi, du moment que ça vous touche. Du
sport, de la vie quotidienne, votre parcours perso, de la musique, des
événements importants.
Ça va de votre premier flirt à la naissance de vos enfants , votre bepc
avec mention, le but de Zidane en finale de la coupe du monde, la biographie de
Loana (si si ça existe et c’est émouvant …de bêtise !), Jimmy Endrix à la
guitare, les seins de Sophie Marceau….
Bref, un truc violent qui vous prend les tripes.
A utiliser quand même avec modération (surtout les seins de Sophie
Marceau..), on ne peut pas être des heures dans l’émotion, et à mixer avec
d’autres techniques.
J’arrive à Champex, mon nouvel ami m’annonce qu’il
va dormir. Je mange une soupe et je ne sais pas trop quoi faire quand un mec
s’installe en face de moi et me demande si ça va. C’est Guillaume Millet,
l’organisateur du trail de Tiranges,
très bon coureur qui a déjà fini dans le top 5 de l’utmb. Rassurez vous il
n’est pas en course ! Il est blessé et du coup il vient encourager les
trailers au ravito de champex, ça c’est l’esprit trail.
On discute de trail, de Tiranges (la course la plus
dure du monde !), il me conseille de faire soigner mon genou et de
continuer à avancer puisque j’ai déjà dormi, vendu !
Je réveille le kiné qui dort sur sa table, ben oui
pour eux aussi c’est long l’utmb, il me pose des « taps » au genou
pour me soulager (ce sont des bandes élastiques très à la mode en ce moment
dans le monde su sport), ça ne servira à rien mais ce petit rose fuchsia sur
mon genou est bien assorti avec mon maillot du PEC. C’est déjà ça…
Dimanche
00h40 124 kilomètres
Temps de course : 25h11 Classement : 344
La première féminine, Elisabeth Hawker, arrive après 25h00 d’effort. Elle
est 13éme du classement général, énorme perf, elle a 4h30 de retard sur le
vainqueur. Kilian est rentré chez lui (il habite aux Houches) et il dort déjà.
Champex-Martigny 14km 400m D+ :
Je repars dans l’inconnu, le parcours a changé à
causes des intempéries. On nous annonce une descente jusqu'à Martigny (vous
prendrez bien un petit Martigny avant de partir ?). Au début c’est un
chemin facile puis un single qui devient très pentu et technique, c’est long
très long mon genou me fait souffrir à chaque appui. Je ne quitte plus mes
bâtons qui ne sont pas homologués pour les descentes, trop fragiles….
Je descends avec une concurrente, une Suissesse, je
ne comprends pas tout ce qu’elle me dit (surtout quand elle parle anglais) je
crois qu’elle délire un peu et je ne suis plus très lucide, c’est la deuxième
nuit…
On arrive à un village que l’on croit être
Martigny, on cherche le ravito, on se perd un peu, on tombe sur d’autres
coureurs on est tous paumés en pleine nuit dans ce village. En fait ce n’est
pas Martigny, il faut remonter une grosse bosse et redescendre pour arriver à
Martigny.
Y a plus qu’à….On remonte sur la route au milieu
des vignes, un mec redescend en hurlant
que c’est pas là, il fait des grands gestes, il vient de péter les
plombs, pourtant c’est bien balisé. Personne à la force ou le courage de lui
dire quoi que ce soit, on continue, c’est la deuxième nuit…
Je suis épuisé et je commence à lutter contre le
sommeil, mais on ne lutte pas contre le sommeil. Je décide de dormir à Martigny 20mn et repartir.
Enfin le ravitaillement ! Le problème c’est que,
nouveau parcours oblige, c’est l’improvisation totale à ce ravito. Une tente
posée au milieu d’un prés mouillé, le vent passe dessous sans problème, une
table, un banc, de l’eau, du coca et la gentillesse de deux bénévoles.
Je m’assois sur le banc, pas possible de dormir ici
et le bénévole annonce que pour aller à Trient, prochain ravito, il faut monter
au col de Voza 900m de D+ et ensuite redescendre sur Trient (en réalité il y a
même 1050m de D+ !).
J’encaisse le coup comme un boxeur sonné, 900m de
D+ c’est 2h30, avec la descente 3h00, faut que je dorme et je ne peux pas
dormir ici, mais rester éveillé 3h00 me parait impossible.
Bon, j’ai le choix entre continuer et continuer
donc je continue, car ce qui est important en ultra c’est faire les bons choix….
Dimanche
04h09 137 kilomètres
Temps de course : 28h40 Classement : 272
Martigny-Trient 8km 1050m
D+ :
Ca monte de suite en quittant Martigny mais je ne
peux pas monter, je dors sur place.
Je cherche un endroit pour dormir, je trouve un box
de voiture que je crois à l’abri du vent, je règle ma montre pour qu’elle sonne
dans 20mn et je m’allonge, ça sent le gaz oil et la pisse de chien, moi qui
croyait que la Suisse c’était propre…
Je dors mais j’entends un truc qui claque, je me
réveille, c’est mes dents qui claquent, trop froid ici, il faut repartir pour
se réchauffer. Je n’ai pas tenu 5mn allongé sur le sol.
Faire l’effort, tenir, j’ai tout essayé pour lutter
contre le sommeil.
Le plus souvent je plantais mes deux bâtons devant
moi dans la pente et je mettais ma tête dessus, quand je sentais que j’allais
tombé je repartais.
J’ai traversé plusieurs villages dans cette montée,
je me suis assoupi à la terrasse d’un bistro, puis sur un banc, j’ai trouvé un
transat sur une terrasse en bois chez des gens (pas de voleur en Suisse), j’ai
essayé au pied d’un arbre mais il faisait froid et humide partout.
J’ouvrais mon goretex pour que la fraicheur me
réveille, je me parlais à voix haute, j’ai même tenté le truc ultime :
ACDC à fond dans les oreilles ! Rien a marché….
Mais au final j’ai avancé et le col de Voza est
arrivé avec le lever du jour. Ce qui est drôle c’est qu'avec le jour je n’ai
plus eu envie de dormir, l’horloge interne ça s’appelle.
Mais je suis quand même très fatigué, je vais donc
dormir à Trient. Je descends sur le ravito et mon genou me fait souffrir,
impossible de descendre correctement.
Quand j’arrive à Trient un gars sors d’une voiture
à peine réveillé, c’est Jacky ! Il me dit : « je pensais que tu
allais arriver », esprit club !
Je me ravitaille, les suiveurs arrivent, ils ont
dormi dans la voiture et même dehors pour Dominique ! Si j’ai la tête du
gars qui n’a pas dormi, eux ont la tête de ceux qui se réveillent.
Pour le première fois depuis le départ, je demande
mon classement, sur l’utmb on a pas son classement au pointage il faut le
demander au contrôle informatique. Je pense être dans les 500 premiers, la
charmante bénévole m’annonce que je suis 262éme, j’en reste sans voix.
Pour faire un tel classement, je dois profiter du
grand nombre d’abandons, météo oblige, mais après tout je n’ai pas pris le bus
et c’est ma place.
Tout de suite je me dis que je dois arriver dans
les 250 premiers, je n’aurai pas tous les jours l’occasion de rentrer dans le
top 250 de la plus grande course du monde, c’est maintenant ou jamais.
L’idée m’effleure de continuer sans dormir, mais si
je m’écroule ? Non, dormir c’est mieux puis repartir et finir plus fort,
il reste une grosse bosse et une petite, je vais dormir 20mn.
Un matelas par terre dans l’école qui sert
d’infirmerie, le rêve de toute une nuit !
Je dors enfin et même bien, le bénévole me
réveille, j’ai dû perdre une trentaine de place en 20mn. J’ai un gros moral, je
suis reposé, avec un gros objectif en tête. Maintenant c’est la guerre !
Le couteau entre les dents, les grenades dans le sac et à l’assaut de
Catogne !! (750m de D+ sur 4,5km)
Dimanche
06h45 145 kilomètres
Temps de course : 31h17 Classement : 266
Le 50éme concurrent arrive, 10h00 après le premier
(les écarts sont énormes), c’est la première Française et 5éme féminine, Maud
Gobert. Kilian dort.
Trient-Vallorcine 10km 760m D+ :
Je suis super bien, c’est même incroyable, je monte
à 900m/h jusqu’en haut ! j’ai des jambes de feu et suis pas du tout dans
le rouge, je double un gros paquet de monde et la tête est au mieux. Un bon
moment d’euphorie que je n’ai pas forcément envie de freiner, ça fait 33h00 que
je me retiens, faut lâcher les chevaux et pas toujours tout calculer.
Le problème c’est que je n’arrive plus à
m’alimenter, j’avale péniblement un mélange d’eau et de coca qui me fait limite
vomir à chaque fois, je tape sur les graisses (mais si j’en ai) faudra bien que
le corps fasse avec, car la tête à envie d’avancer.
J’attaque la descente sur Vallorcine, au début ça
va c’est roulant mais rapidement dans le technique mon genou me met au
supplice, je sers les dents et je fais au mieux. Tout le monde est à la peine
et j’arrive malgré tout à doubler même en descente.
Les dernières pentes sur Vallorcine sont très très
raides et je souffre.
9h30 ce dimanche matin et 34h00 de course, j’arrive
à Vallorcine. Vu que je ne m’alimente plus le ravito est inutile, je le
traverse sans m’arrêter (ne jamais faire ça), direction le col des Montets où
Sylvie m’attend. Elle a une mission très importante, me remettre le maillot
noir du PEC que je lui ai donné hier à Courmayeur, il faut que je termine avec
mon maillot c’est très important pour moi.
Dimanche
09h31 155 kilomètres
Temps de course : 34h03 Classement : 245
Le 100éme arrive à Chamonix après 33h00 de course,
Killian a fini son petit déjeuner.
Vallorcine-chamonix 15km
405m D+ :
Le col des Montets depuis Vallorcine c’est 4km de
faut plat sur un mélange de chemin et de route, difficile de courir alors je
marche vite avec mes bâtons comme les marcheurs du PEC, c’est très efficace et
je double encore quelques concurrents.
Je trouve les copains avant le col, que je finis
avec eux, et j’arrive sur Sylvie et les enfants. Une vraie assistance de team
pro en haut du col, on m’enlève mon maillot, on m’en met un autre, pendant que
les autres refont mon sac. J’ai l’impression d’être une formule 1 au stand, on
m’a changé les 4 pneus et je repars, par contre ils ont oublié de faire le
plein !
Maintenant, j’imagine que jusqu’à Chamonix c’est en
descente (c’est ce que disait le texto de l’organisation) et un bénévole
m’indique 8km.
Je pars à fond ! Devant moi un Japonais se
retourne et du coup se met à courir, ça sent le final et on se bat tous pour
garder notre place.
Je chasse derrière lui jusqu’à Argentière mais il
est trop rapide pour moi, mauvaise nouvelle à Argentière on m’annonce encore
8km, il y a un bug. Je ne m’arrête pas au ravito (ne jamais faire ça), je
n’avale toujours rien.
Deuxième mauvaise nouvelle, ça remonte ! Et
pas qu’un peu ! En fait il y a deux bosses pour rejoindre Chamonix et je
ne l’avais pas prévu, le texto de l’organisation disait : « col
des montets – Chamonix par le fond de vallée ». Si même le fond remonte…
Je vais mettre 1h30 pour faire Argentières-
Chamonix, épuisé, sans doute en hypoglycémie ou en déshydratation, ou les deux,
mal au genou, dure cette fin de course très très dure.
J’attends le goudron des rues de Chamonix,
j’attends la foule pour me porter, j’attends de prendre mes enfants par la main
et de franchir cette ligne.
J’arrive enfin sur la ville et je retrouve mon
Japonais qui marche encore et relance en me voyant, re-baston dans les rues de
Cham, mais il est toujours plus rapide que moi, tant pis !
Il est midi, il y a du monde en ville, c’est une
chance car, sans le départ différé, je serais arrivé au petit matin. Je me
retourne personne derrière, devant non plus, Chamonix est à moi tout
seul ! Je vais pouvoir profiter et me faire une arrivée au milieu de la
foule.
Les applaudissements, les bravos, les mains dans
lesquelles on tape, c’est trop bon j’avais rêvé de ça. Je chiale un bon coup,
les larmes coulent je ne les retiens pas, il faut que ça sorte l’émotion.
Mes enfants sont là, au bout de la rue piétonne,
j’en prends un dans chaque main et je fais les 500 derniers mètres avec eux
sous les vivas de la foule, doucement pour profiter.
Cette image je l’ai dans la tête depuis 10 mois,
c’est l’aboutissement d’une saison, du travail, de l’implication, des
sacrifices pour ma famille.
Je suis à 500 mètres d’un rêve, celui d’arriver
bien sur, d’être « finisher » mais surtout celui d’avoir fait une
belle course. Je suis rarement satisfait de mes courses mais là je sais que
j’ai fait un truc. J’ai beaucoup profité, pris énormément de plaisir sur la
course, la satisfaction d’avoir fait le job, quelques erreurs bien sur mais
dans l’ensemble pas grand chose à jeter et l’étrange sensation d’avoir fait
mieux que ce que je pouvais espérer.
Je passe la ligne, je l’ai fait, j’ai fait le tour
du mont Blanc ! Yes !!!
Dimanche 11h55
171 kilomètres Temps de
course : 36h26
Classement final: 226ème -99ème
v1
Le 150éme est arrivé en 35h00 j’étais à Argentière.
Le 200éme est arrivé en 36h08 j’étais….. pas loin.
Le 226éme arrive en 36h26 c’est moi.
Mon Japonais est là derrière la ligne on se tape
dans la main et on se donne l’accolade, « good race » ça c’est
l’esprit trail.
Sylvie, les enfants, la veste de finisher entre les
mains….C’est bon d’arriver mais je suis à la limite de me sentir mal, je
n’aurais pas la force d’aller jusqu’à la voiture. J’ai tout donné.
Mon meilleur souvenir de cet utmb :
Voir arriver Pascal et Gérard ! Si je n’ai pas
profité de mon arrivée par manque de lucidité, qu’est ce que c’était bon de les
voir franchir la ligne !!!
Mon pire souvenir :
A Vallorcine après ma course (et une bonne sieste)
où je viens voir passer les copains, le poste ferme devant moi, les fameuses
barrières horaires si redoutées. Je vois le premier concurrent arrivé après la
fermeture, on lui découpe le dossard, éliminé.
C’est fini pour lui après 155km et 40h00 d’effort,
j’en ai chialé.
Pierre s’est fait sortir ici plus tard, c’est
partie remise Pierre, tu as prouvé que tu peux le faire.
Ils étaient là :
- Gilles, ça va le faire. Tu peux le faire personne ne doute de ça.
- Pierre, tu ne changes rien. Juste, tu arrêtes de boire des bières en
course et ça passe.
- Christian, merci, bravo et merci. (rappel : Christian :3
diagonales des fous, 2 utmb, 1 marathon des sables, jamais abandonné une
course, des questions ?)
- Gégé, bravo et respect ! Gégé, grosse connaissance de lui-même,
grosse gestion de course, un accro du matos et du détail, je m’y retrouve.
- Pascal, bravo et merci pour ACDC et tout le reste. Pascal l’homme au 3
maillots (Diag, utmb, mds), ils ne sont que 3 au club à l’avoir fait,
respect !
- Cap’tain Jacky, Véro, Dominique, Xavier : merci d’avoir été là,
partout, tout le temps.
- Didier(qui a les 3 maillots), Batiste et
Nathalie : cette course n’existe que grâce à des gens comme vous merci à
vous et tous les autres bénévoles.
- François le webmaster qui a créé un site pour
l’événement et qui a fait un super boulot.
- Merci à tous ceux qui m’ont soutenu et témoigné
leur soutien, amis, famille, pecistes, trailers, etc…
- Merci à Vincent Delebarre grâce à qui j’ai
compris l’essentiel : doucement mais tout le temps.
Merci à ma femme, que j’aime, qui s’occupe de tout et moi du reste.
Le dernier concurrent classé (1133ème) arrive en 45h45,
Dominique Diffine, c’est le plus méritant d’entre nous tous puisqu’il a passé
le plus de temps en course.
Les fistons :