JEAN BASPEYRE - Le cycliste Traileur - Départ imminent pour l'UTB
LE TOUR DES GLACIERS DE LA VANOISE ( TGV ) 2009
et en 2011 l' UTMB : DOSSARD 2077
Le lundi, je prends le train direction Vallorcine, il fait déjà chaud, mon objectif : Col de Balme, Col des Posettes, Col des Montets, Chalet du Lac Blanc, Chalet de la Flégère, Plan Praz et retour par le sentier des gardes jusqu'aux Bossons. A posteriori, il n'en fallait pas plus, il fait extrêmement chaud et ma randonnée a duré plus de 12 heures, sans eau à partir de la Flégère.
Le lendemain, le mardi, j'ai des courbatures et suis moyennement en forme. Je décide pourtant de faire une autre randonnée : Les Houches, Parc Animalier du Merlet, Refuge de Bel Lachat, Le Brévent, Col du Brévent et retour par Plan Praz. Je suis de retour au camping vers 18h après un départ vers 10h. Je suis cuit et j'ai mal aux cuisses. Cela me permet de me dire que pour l'UTMB, je vise uniquement la ligne d'arrivée.
Du mardi soir au vendredi, jour du départ, c'est repos complet.
Je pars en fin de peloton, et j'essaie de faire attention aux flaques d'eau, je n'ai pas envie d'avoir les pieds mouillés. Ce n'est pas la grosse forme mais je trottine doucement.
Puis, arrive les Houches et le début du col de la Volza.
J'ai chaud, très chaud sous mon sur pantalon pas respirant. Je décide de l'enlever et ça va mieux, c'était une cocotte-minute là dessous.
La descente vers Saint Gervais est juste une grosse blague, un peu comme un combat de boue de catch féminin, les maillots de bain en moins et le froid et les frontales en plus. J'arrive à ne pas tomber et à ne pas me faire mal. Je sens bien que je suis en queue de peloton car le speaker annonce que les derniers arrivent et cela ne fait que 3 minutes que je suis au ravito. Hmmm, l'impression était bonne sur mes mauvaises sensations mais c'est pire que prévu.
En partant, je vois que la barrière horaire est à 5h30 aux Contamines, il est 3h30, j'ai 2 heures pour 10km et 500mD+. Va falloir commencer à s'activer. Finalement, il ne pleut plus et j'arrive à 5h00 aux Contamines sans avoir eu l'impression de forcer. En plus, je vois Marion et John qui ne devaient pas être là mais qui se sont poussés pour braver la nuit, le froid et la pluie. Cool. Ils étaient inquiets pour la barrière.
Je sais que c'est long, très long. Je ne m'excite pas, je reste dans mon rythme. Je ne m'arrête pas ou peu à La Balme. Pas mal de monde autour du feu de bois, mais je me dis que ce n’est pas l’idée de siècle que de s’arrêter là. Puis arrive, avec le jour, le col de la croix du bonhomme. Ca souffle fort, il a neigé, il ne pleut plus. Je croise des bouquetins (que l'on voit sur la vidéo 6'06’’,
Tout va bien, puis arrive la descente vers les Chapieux (km 50).
La grosse différence par rapport à l'UTMB 2009 c'est qu'il fait jour. Je mets d'ailleurs 18' de moins pour descendre. Aux Chapieux, je vois mon père et belle maman, coup de bol, car il n'y a pas de réseau téléphonique, ils ont dû attendre depuis un sacré moment.
UTMB - SAMEDI 9 H 00 - POINT JEAN
Le gars qui bipe les dossards a la moustache gelée avec de belles stalactites. Il fait un vent de fou, je me magne à commencer de descendre vers le lac Combal.
La descente est assez longue, il fait froid et le ravito se fait attendre. Je ne suis pas mécontent d'y arriver. Pour l'instant tout va bien, je ne force pas, il fait maintenant gris mais il ne neige plus et il n'y a plus de vent. Direction Maisons Vieilles, Col Chécrouit et enfin Courmayeur.
A col Chécrouit, je m'arrête pour enlever mes chaussures et chaussettes. Aïe ! Une ampoule. Il faudra que ça tienne jusqu'à Courmayeur. Changement de programme par SMS : on passe par Martigny et plus par Bovine. Ca rallonge de 4 km et de 200mD+. Bon, ça ne me réjouis pas mais je ne vais pas pouvoir changer grand-chose...
Direction refuge Bertone. L'ambiance est excellente à Courmayeur, les italiens sont de bonnes humeurs sous le soleil rayonnant. La montée calme bien les ardeurs. Mais en montant au train ça se fait. Le pansement pour mon ampoule ne tient pas. Il me semble qu'à Bonatti, il y a un centre de soins.
Mon objectif est d'y passer avant la nuit. Le début de la montée est hyper raide, les jambes vont bien, mais le souffle est un peu court. Je monte à mon rythme et j'essaie de ma caler dans un groupe. Tout se passe bien, le vent commence à souffler sévère, mais avec ma veste à capuche, je suis trop bien. Aucun problème. La nuit tombe sur le final, avec un vent de fou et ô surprise, le brouillard dans le début de la descente. On aura tout eu dans cet UTMB 2011 : Pluie, froid, vent, neige, grêle, grand soleil et enfin brouillard. Les finishers pourront être fiers d'eux. Je veux en être. Pour l'instant ça ne va pas trop mal après 100 km de course. C'est dans la descente de La Fouly que ça se complique, je commence à avoir une légère pointe au niveau du genou droit côté latéral, rien de grave mais bon c'est le début, puis aussi une douleur sur le coup de pied droit. Cette descente est interminable. De descente, certes il y en a beaucoup, mais il y a aussi des passages délicats et de la montée. En plus, il fait nuit, la douleur ne m'aide pas, il faut que je me force à boire et à manger un peu. Quand on a mal, on en oublie de s'hydrater correctement. La seconde nuit est dure psychologiquement.
Même si je sais que je remonte bien dans le classement, je n'en fais pas une fixation, ce que je veux c'est arriver. Puis, la Fouly arrive enfin, il y a Marion et John qui sont là depuis au moins 4 heures. Je suis extenué, énervé contre cette distance interminable. Il est 23h30, je décide de me reposer 20 minutes. Je ne dors pas mais le fait de ne plus être sur ses pieds me fait un bien fou.
Je repars après cette pause, certes je boite assez bas mais le moral est meilleur après ce repos. La gestion de la deuxième nuit est capitale, il ne faut pas hésiter à "perdre" du temps en se reposant. Je rattrape deux concurrents qui ne sont pas en très bon état non plus. Mon genou est devenu très douloureux.
Cette deuxième nuit… L’un des deux dit que vers 5-6 heures, c’est l’heure à laquelle il commence à avoir des hallucinations. Moi, je n’en ai jamais eu, ça doit être étonnant. Il est finisher PTL et raconte que l’eau des Contamines est tellement filtrée par les glaciers qu’elle manque de minéraux et entre autre d’iode ce qui empêche un développement cérébral normal et ce que l’on a appelé les crétins des Alpes. Minute culture.
Je décide d’aller voir les kinés. La levée du banc est douloureuse, il fait un froid de canard, heureusement, ils sont très sympas. Je leur dis mes douleurs au niveau du coup de pied et du genou. Verdict : début de tendinite des releveurs du pied et soit le tendon du vaste latéral, soit le tendon du tenseur du fascia lata. C’est ce deuxième qui m’inquiète car à part le repos, y’a pas grand-chose. Je me fais raser la jambe, on me pose un « tape » = les fameuses bandes de couleur que l’on voit un peu partout. C’est efficace sur le coup de pied, y’a pas à dire. On me met de la crème Nok sur les pieds et je rechausse. Mes chaussettes double peau ne sont pas une trouvaille, en effet, les deux couches glissent l’une sur l’autre et ça chauffe. L’importance du matériel.
Il fait froid, je boite assez bas, mais le départ de Champex est plat et bitumé donc pour l’instant ça va. Puis on prend un chemin forestier, donc je peux marcher tranquillement. Ensuite arrive des chemins un peu plus techniques et la douleur est intense. Pourtant à y réfléchir, les sentiers sont propres, rien de fou fou, rien à voir avec le final de la Fouly ou la descente des Chapieux de nuit.
Je ne rêve que de dormir en m’entourant dans ma couverture de survie. Il n’est pas loin de 5 heures. Encore une heure et quelques pour avoir le droit au lever de soleil. Je passe à côté d’une énorme croix toute illuminée. Je jure que s’il y avait eu un banc à côté, je me serais mis là, emmitouflé dans ma couverture et juste le droit de dormir.
Je continue clopin clopant, je me fais doubler mais je m’en moque, je ne pense qu’à l’arrivée de Martigny. Arrive ensuite une intersection où attend un camion de pompier Suisse, ou un camion suisse de pompier. Je ne sais pas.
En fait, c’est moi qu’il attend, le jour s’est bien levé, cela fait un bien fou au moral mais je n’avance à mon avis, pas plus vite que 3 à l’heure. Et ça descend. Je me fais encore doubler par un fou qui a le genou comme une patate, râle parce que cela fait 20 km qu’il y fait attention et que c’est l’autre qui vient de craquer. Etonnant : 20 bornes à mettre tout son poids sur un genou et il craque. Il se strappe n’importe comment et repart. Moi, je n’ai pas envie de ne plus plier le genou. J’en ai même entendu dire certains qu’ils prenaient des anti inflammatoires. Je n’y avais même pas pensé.
Je me résigne sans trop réfléchir.
Le gars me dit que de toute façon je ne peux abandonner à Martigny car il n’y a rien pour le faire. Ça me décide un peu plus. Le moral, c’est important. Le camion remonte à Champex. Je me rends compte que finalement, j’en ai fait du chemin.
Retour au point de départ, il est 7h00, cela fait 2h30 que je suis parti de là, la barrière horaire est à 7h30, il y a encore des concurrents qui partent.
Et là en rendant mon dossard, les boules me montent d’un coup, sans prévenir, je me dis que ce n’est qu’une course, mais la fatigue, l’investissement de ses dernières 24h ont raison de ma raison. Je laisse aller. Un bénévole me dit d’aller boire un café, je lui réponds à peine. Je « file » vers le bus et me réfugie à une place libre. Ce que c’est dur d’arrêter là.
Il est 9h du matin quand j’arrive à Chamonix, 1h30 de trajet, John est venu me chercher. Direction le camping, je m’allonge dans ma tente, je ne me lave même pas, j’émerge vers 11h. Mon père et Josy sont de retour.
Alors : douche, déjeuner, grosse sieste et le soir, diner dans une crèmerie. Je boite toujours très bas.
Le lundi, retour sur Paris, le mal au genou disparait doucement. Deux jours après la course, plus mal, aucune courbature si ce n'est un point au niveau de l'omoplate (scapula) gauche.
Douleurs au genou en moins,j'ai l'impression de revivre un peu les conditions de course.Il faut t'accrocher, la 3ème tentative sera la bonne pour connaître enfin l'émotion de passer cette ligne.
RépondreSupprimerPar contre, si je peux me permettre un petit conseil. Deux grosses sorties de 8 à 10h le lundi et mardi, avec tous ces sommets que je connais bien (pour les avoir fait , échelonnés sur une semaine)je pense qu'il reste trop peu de repos sur le plan musculaire avant une telle épreuve.
Sinon, vu que nous avons la chance de pouvoir utiliser les bâtons ( interdits, sauf un seul en bois,à La Réunion)je pense qu'il ne faut hésiter à en prendre pour soulager l'impact sur les genoux.
Bien entendu, ce ne sont que des conseils, et comme chacun sait, les conseilleurs ne sont pas les payeurs.
Bien cordialement
Kiki (Christian Baigue)
http://christian-baigue-de-l-athle-au-trail.over-blog.fr/